mercredi 30 septembre 2009

Retour, rue Tessier


Comme j’ai reçu deux réactions à ma précédente chronique sur cette rue qui ne manque pas d’histoire, j’y retourne.

D’abord, mon amie et collègue historienne, Françoise Bordeleau, l’auteure de l’essai Histoire de la paroisse Saint-Zéphirin, La Tuque, 1912-1987 (1), m’a rappelé que la date attribuée par Lucien Filion à la photo que j’ai utilisée, extraite de son livre et montrant la rue Tessier, le jour du Dominion, en 1915, ne pouvait être la bonne. Elle a bien raison : la photo ne peut être de cette année-là, puisque le nom de Brown Corporation n’apparaîtra qu’en 1917. Les Brown du New Hampshire utiliseront cette appellation pour remplacer celle de Quebec and St. Maurice Industrial Company pour ses opérations au Québec, et celle de ses usines de Berlin, aux États-Unis, par Brown Company.

Ensuite, un ami collectionneur m’a envoyé plusieurs numérisations reliées à La Tuque et aux installations de la Brown, à Berlin, au New Hampshire à cette époque.

Parmi elles, sept cartes de La Tuque portant toutes le tampon « J. H. A. Bernard, Artiste Photographe, Shawinigan Falls », un lot qu’il a acheté sur le site d’enchères Ebay. En voici six; j’ai utilisé l’autre (montrant la construction du couvent et la première gare, rue Tessier) dans ma chronique précédente.

La première est intéressante, car elle situe clairement la maison natale de Félix Leclerc, rue Tessier. On peut y lire «Hôtel Leclerc» (2). À gauche, on devine l’enseigne du restaurant TRANSCONTINANTAL.

La rue Commerciale, en direction sud, et, en avant-plan, la rue Saint-Joseph. À gauche, une partie de la Quebec Bank, ouverte le 16 avril 1910, et, derrière, ce qui semble être les débris d’une construction, sans doute passée au feu. À droite, passé le deuxième poteau de téléphone, l’enseigne d’une buanderie, «LAUNDRY». La porte en coin du commerce de droite est l’une des caractéristiques de l’architecture des premiers commerces latuquois. Pendant longtemps, la cordonnerie Duharme, angle Commerciale et Scott, aura ce type de porte.

La Banque Royale succèdera à la Banque du Québec le 2 janvier 1917. La photo semble antérieure à la construction de l’hôtel Windsor.

La rue Saint-Antoine, en direction nord. À gauche, l’édifice du magasin actuel Arthur Harvey.

Une partie de l’usine de la Brown Corporation, au moment de la construction du Main Office.

Les chutes, en aval du pont suspendu. On y distingue un système de rail en bois, des lisses de bouleaux, qui permettait sans doute de déplacer de l’équipement lourd, des bateaux, par exemple. On voit aussi une très petite partie d’un bâtiment de brique, une grosse canalisation d’eau surmontée d’une espèce de trottoir fait de madriers descendant jusqu’à la petite centrale électrique, flanquée d’une tour. Ce gros tuyau alimentait la petite centrale. Plus bas, l’île aux Goélands, connue dans les années 1950, sous le nom d’île Gilbert, car la famille d’Henri Gilbert, distributeur de produits en gros, y avait construit plusieurs chalets sur pilotis.

Le presbytère et la première église, presque amputée de son clocher. Mon correspondant me signalait d’ailleurs le format très irrégulier de ces cartes de Bernard, qui sont de vraies photos : mal coupées, mal cadrées, plutôt artisanales…

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Cette carte postale a été postée de La Tuque, le 22 juillet 1915. Elle porte le tampon «L. COTE, LA TUQUE, QUE.». À l’endos, Geo. B. écrit à sa mère, madame Clara Bullak, de White Horse Beach, au Massachusetts, qu’il arrive de Québec par train et qu’il se dirige vers Cedars, où une certaine Edna se trouve déjà et où lui-même s’attend à travailler pendant les quatre prochaines années. Il doit s’agir du chantier de construction du barrage de La Loutre.

On y voit en partie le toit de la Banque Nationale, installée au coin de la rue Saint-Antoine, angle Saint-Joseph, en 1913, les deux tracés des voies ferrées, l’hôtel de ville, l’école Saint-Zéphirin et l’hôpital, la rue Commerciale avec ses hôtels Windsor et Marchand, et on devine des maisons des rues Saint-Maurice et Tessier.

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Les Brown et Berlin, au New Hampshire

Mon collectionneur a aussi joint quelques illustrations reliées à la Brown Company, utiles pour identifier les établissements de celle-ci.

Les deux cartes postales, des scènes de Berlin, au New Hampshire, expédiées de Saint-Tite, les 12 octobre et 6 novembre 1907, à «Mademoiselle Cécile Lacoursière, Pensionnat des Ursulines, Trois-Rivières». Elles sont de sa sœur Ursule. La famille avait sans doute des parents à Berlin.

La vue de la petite ville rappelle la géographie de La Tuque.

Mon correspondant a trouvé cette carte postale, assez originale, dans ses archives de famille, expédiée de Berlin par S. Nicol, un oncle maternel de son père, à Louis Toussaint, de Saint-Romuald-d’Etchemin. Elle comporte un petit livret, contenu dans une niche et retenu par un petit fermoir pivotant en laiton. Il se déplie pour montrer onze «vues» de Berlin dont quatre consacrées aux installation des Brown à Berlin : le Cascade Mill, la Burgess Sulphite et la Berlin Lumber Co.

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(1) Description bibliographique de l’ouvrage historique de Françoise Bordeleau, conservée à la Bibliothèque nationale et archives nationales, à Montréal.(2) Les deux photos qui suivent sont extraites d’un ouvrage dans lequel Grégoire Leclerc livre ses souvenirs de 1911 à 1934. Réservé aux membres de la famille des Leclerc, son tirage a été limité à 34 exemplaires.

Sur cette photo de Léo Leclerc, derrière le bar de son hôtel, Félix a écrit : « Mon père à l’âge de 40 ans à La Tuque, F. L.»

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Une curieuse photo.

Achetée aussi sur Ebay, elle provient d’un album. Des résidus de papier noir sont restés collés au verso. On y lit cette légende. : «Brown’s Camp. La Tuque, le 5 juille[t] 1916.» Qui peuvent bien être ces trois poseurs endimanchés ? Où sont-ils, à La Tuque ? La maison de pension de la rue Saint-Maurice, dans la section qui deviendra la rue Beckler ?

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