mardi 12 avril 2011











Madame Élisabeth Thompson, herboriste et guérisseuse

Pour la rédaction de son ouvrage Les médecines populaires au Québec, paru aux éditions de L’Aurore [1], en 1980, l’auteure, Diane Simoneau, avait fait appel à plusieurs informateurs, dont une certaine Marie Thompson de La Tuque. Il s’agit sans doute de cette dame que plusieurs ont connue sous les prénoms de Mary et d’Élizabeth.

La Tuque avait en effet son herboriste, en la personne d’Élisa Mercier, de descendance amérindienne, mariée à Jimmy Thompson. Cette dame Thompson habitait à l’angle des rues Kitchener et Scott, côté nord-ouest.

J’avais une douzaine d’années quand je l’ai rencontrée. Elle allait soigner à domicile et, à cette époque, la médecine traditionnelle donnait de bons résultats : ventouses, cataplasmes, onguent pour apaiser l’arthrite, maux musculaires et entorses s’avéraient efficaces.

Comme je demeurais au pied de la montagne, aujourd’hui la rue Élizabeth, à l’est de l’école Champagnat, madame Thompson me demanda si je ne pourrais pas lui cueillir des herbes médicinales. Déjà, je connaissais l’herbe à dinde, une plante folklorique, que nos ancêtres utilisaient pour soigner la grippe; elle avait aussi la vertu d’arrêter le sang. D’ailleurs, nos coureurs des bois s’en servaient pour guérir les coupures…

Elle m’a donc appris à apprivoiser ces herbes : près du ruisseau, je découvrais la menthe sauvage, le thé des bois, le plantain, la sève d’épinette et de sapin. Je prenais plaisir à découvrir ces herbes, ces écorces et, surtout, les tisanes pour guérir certaines maladies.

Sur cette photo, aimablement fournie par Denis Mercier, madame Thompson, robe fleurie, est assise à droite. À sa droite, son frère, Édouard Mercier, et Emma McCulloch. À l'arrière, Arthur Bernier et sa soeur Marie-Anne.

Madame Thompson avait des onguents pour soigner les hémorroïdes, et des sirops pour soulager le foie (elle en aura fait « chier » du monde…), les maux de gorge et la toux.

À l’aide de mon havresac, acheté chez « Croteau Guenilles », je quittais la maison à la recherche de ces plantes à la magie naturelle, ces plantes bienfaisantes, dont les écorces d’aulnes et de sapins. Que de pommettes ai-je dégustées, de thé des bois, qui a la vertu de faciliter la digestion, ai-je bu et, naturellement, que de chiques de gomme de sève de pin durcie ai-je mâchées… pour me rendre compte, plus tard, que la pharmacie était derrière la maison ! On m’avait alors offert un mortier et un creuset, que j’utilise encore au besoin.

Madame Thompson faisait partie de ces Amérindiennes qui ont soigné des centaines de Latuquois et de Latuquoises. Nous, les Blancs, nous arrivions en Amérique et n’avons jamais oublié l’année 1535, quand les guérisseurs de Hochelaga ont sauvé d’une mort certaine Cartier et ses hommes d’un hiver si dur. Ils ont guéri 90 des 110 Français du scorbut : voilà ce que les plantes ont sauvé...

Au tout début de sa pratique, m’a-t-on raconté, madame Thompson était considérée comme une sorcière. C’était une dame au teint cuivré, costaude, et très sympathique. Un jour, elle est appelée près d’une malade soignée à l’hôpital. Dans la chambre de la prétendue morte, déjà recouverte d’un drap blanc, elle la découvre et, s’armant de patience, entreprend de lui faire un massagequi durera deux heures. Et voilà la présumée morte qui reprend vie ! C’est l’une de ses réussites que l’on raconte encore dans les familles latuquoises.

Ce fut avec l’aide de la police locale que madame Thompson avait pu pénétrer dans l’hôpital. Et la patiente, un résidante du village de La Bostonnais, fut reconnaissante envers sa guérisseuse. Le massage lui avait été donné avec un onguent qui avait la propriété de redonner la vie…

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Voici quelques recettes et procédés utilisés par madame Éliza Thompson pour remédier à certains maux, que j’ai tirés de l’ouvrage de Diane Simoneau.


Pour apaiser les piqûres de maringouins et désinfecter une plaie causée par un clou rouillé, une feuille de plantain trempée dans de l’eau chaude.

Pour contrer la fatigue des yeux, boire des infusions de «cotons de framboisiers». Prise sur une longue période, ces infusions contribuent à renforcer la vue.

L’application d’un mélange de beurre et de et des fibres déchiquettes d’une quenouille apaise une brûlure.

Pour le traitement des hémorroïdes, bien mélanger une once de gomme de sapin, six onces d’huile d’olive et un peu moins d’une once de jus de pommettes; injecter au compte-goutte.

Contre les rhumatismes, préconise madame Thompson, boire une infusion composée de feuilles de céleri, de savoyane, d’herbe à dindes, de racines de chiendent et d un peu d’écorce de tremble et d’aulne, de salsepareille.

Pour aider à la guérison d’une entorse, frotter avec un onguent composé d’une once de gomme de sapin, d’une once d’huile d’olive et d’un peu de jus de pommette.

Boire de la tisane de merisier, écorché du bas vers le haut activera la lactation. S’asseoir au dessus d’une cuve d’eau chaude facilite l’accouchement.

Pour guérir un ivrogne de son vice, madame Thompson proposait cette recette qui n’aura sûrement pas trop plu aux nombreux taverniers et hôteliers de la ville : on éclaircit le sang en buvant une tisane provenant d’infusion de racines de salsepareille.

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L’essai de madame Simoneau contient aussi quelques illustrations dont cette annonce, insérée dans la partie intitulée « Médecine à caractère magico-religieux »…

L’auteure ne spécifie cependant pas à quelle congrégation pouvait bien appartenir cet individu dont l’attriqure rassemble les éléments d’une soutane et dont la griffe est pratiquement indéchiffrable. Les périodiques de l’époque regorgeaient de ce type d’annonces relevant davantage de la charlatanerie que de la pharmacopée…

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[1] La maison d’édition a été fondée par le romancier Victor-Lévy Beaulieu et son complice, Léandre Bergeron, auteur d’un Petit manuel d'histoire du Québec (1970, Éditions Québécoises) et d’un Dictionnaire de la langue québécoise ( VLB Éditeur, 1980). Bergeron a même accouché d’un Petit manuel de l'accouchement à la maison (VLB Éditeur, 1982).

La raison sociale choisie, Éditions de l’Aurore, se veut sans doute un rappel de celle des Éditions du Jour dont Beaulieu avait été le directeur littéraire. Le futur sénateur Jacques Hébert en était le propriétaire.

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